Dom Charles-Louis Taillandier

Dom Charles-Louis Taillandier (°1705 à Arras, +1786 à Paris).
Il effectue sa formation monastique à l'abbaye de Jumièges en 1727. 
C'est un moine bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, écrivain-historien ecclésiastique. Il édite le Dictionnaire de la langue bretonne de Dom Louis Le Pelletier (1752). Puis il se consacre à la poursuite des travaux de Dom Hyacinthe Morice en publiant le deuxième volume de l'histoire de Bretagne, revu, corrigé, augmenté et renommé Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne * (1756).

* L'Histoire de Bretagne, écrite par Dom Lobineau,  a été revue, corrigée, augmentée par Dom Morice puis de nouveau revue, corrigée, augmentée et renommée par Dom Taillandier, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne .


Histoire ecclésiastique et civile de la Bretagne (tome 2)


Dom Taillandier-Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne Tome 2. Extrait des pages 445 et 446.

An 1595.

Fontenelle se voyant le maître de la campagne, sans que personne parût pour le réprimer, commença à fortifier son Isle, & il en fit une si bonne Place, qu'on ne pouvoit la prendre que par famine ou par trahison. Fier d'être le maître d'un poste inaccessible, il ne mit plus de bornes à ses fureurs ; il levoit des contributions dans tous les environs, & il écumoit les mers avec quelques vaisseaux armés en guerre. il ne fut pas long-tems sans faire sentir à ses voisins quelle faute on avoit fait de lui laisser prendre un établissement à Douarnenez. Les habitants de Penmarch, gens riches et qui formoient entr'eux une espèce de République, qui n'avoit point encore ressenti les misères de la guerre, avoient fortifié leur Église, & construit un fort à Kérouzi pour se mettre à couvert des insultes de Fontenelle. Celui-ci, informé que toutes leurs richesses étoient enfermées dans l'Église & dans le fort, fit un premier voyage à Penmarch, pour reconnoitre par lui-même l'état des lieux. Il ne mena que quelques personnes avec lui, pour ne point effaroucher les Paysans. Il emprunta le langage de l'amitié ; mais tandis qu'il les amusoit à boire & à jouer, ses gens observient avec soin la situation de l'Église & du fort. Fontenelle étoit si connu & si décrié, que quelques Paysans soupçonnerent ses vues & le but de son voyage ; ils proposèrent de le tuer ; mais ils en furent détournés par leur Chef. Ils se seroient épargnés bien des misères, s'ils avoient éxécuté le projet de se défaire d'un aussi méchant homme. Fontenelle revint quelques jours après mieux accompagné que la première fois. Les Paysans se retirerent aussi-tôt derriere leurs retranchemens ; & il auroit été difficile de les forcer. Mais tandis que Fontenelle les amusoit d'un pourparler ; les Paysans quitterent leurs postes pour venir écouter les propositions qu'il vouloit leur faire. Ses gens s'emparerent ausi-tôt de ces postes, massacrerent tout ce qui se trouva dans l'Église, & accouderent la vie à ceux du Fort de Kerouzi qui se rendit à cette condition. Le butin qu'il fit en cette occasion, fut immense. Il en chargea trois cent barques, qu'il fit conduire à Douarnenez.

Dom Taillandier-Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne Tome 2. Extrait de la page 465.

An 1597- Prise de Penmarch par Sourdeac.
(Mémoires de Sourdéac Montmarin de Thou, l.118)

Tant de cruautés qui révoltent la nature, firent enfin prendre la résolution à Sourdéac de marcher contre Fontenelle. Quand il eut quitté le Maréchal de Brissac, il reprit le chemin de la Basse-Bretagne, & se détermina à attaquer le Château de Penmarch. Ce Bourg, l'un des plus considérables de qui soit en France, est composé de quantités de hameaux de soixante ou quatre vingt maisons, qui ne sont distants les uns des autres que de la portée de l'arquebuse. Avant que Fontenelle l'eût pris, c'étoit le plus riche Bourg de Bretagne.Les habitans avoient plus de cent bateaux, sans y comprendre ceux qui portoient du poisson sur toutes les Côtes du Royaume. Avant la gerre, l'on comptoit dans Penmarch dix mille Matelots bien armés & bien équipés. Nous avons vu ailleurs comment Fontenelle s'en étoit emparé, & quel butin il fit en cette occasion. Sourdeac qui scavoit mieux que personne de quelle conséquence il etoit de nettoyer cette Côte des brigands qui l'infestoient par leurs courses, fit investir en plein jour le Fort de Penmarch. La place étoit bonne & pouvoit tenir long-tens. Mais Sourdeac ayant fait mettre en batterie la nuit suivante sis pièces d'artillerie, elle tirerent dès le matin sur l'un des bastions qui couvroit le pignon de la maison. Les assiégés l'abandonnerent, après avoir essuyé quelques volées de canon. Cette desetion engagea Sourdeac à faire battre la pignon. Quand il vit que la bréche étoit raisonnable, il fit donner le signal de l'assaut. Magnan à la tête des régimens Francois, & de la Trenblaye à la tête du sien, donnerent avec tant de furie, qu'après une légere résistance, la Place fut remportée d'assaut. Tout fut passé au fil de l'épée, à l'esception de soixante ou quatre-vingt.Sourdean en fit pendre la moitié pour faire un exemple de ces brigands qui ruinoient le pays, & donna la vie aux autres ; après leur avoit fait promettre d'être gens de bien, & de servir fidélement le Roi. Ce fut en ce tems que Sourdeac apprit des habitans de Penmarch, que lorsque Fontenelle s'étoit emparé de leur Fort, il avoit deshonoré & fait deshonorer toutes les femmes & les filles, depuis l'âge de dix-sept ans ; qu'il avoit fait mourir dans les tourmens plus de cinq mille Paysans ; qu'il avoit mis le feu à plus de deux mille maisons, & qu'il avoit pillé & emporté tous les meubles de quelque espèce qu'ils fussent.