La Fontenelle

Le Baron Guy Éder de Beaumanoir de la Haye, dit la Fontenelle est né en 1573 dans l'ancienne paroisse de Bothoa, aujourd'hui en Saint-Nicolas-du-Pélem.

Il est issu d'une ancienne famille de Bretagne qui résidait dans le manoir de Beaumanoir au Leslay, près de Quintin (Côtes-d'Armor).

Tourelle du Chateau de Beaumanoir © Hamonic

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Chateau de Beaumanoir © Hamonic


1586

Après une jeunesse Bretonne passée dans le manoir familial, Guy Eder de la Haye devient élève du prestigieux collège Boncourt à Paris. 

« Les chroniqueurs de son temps nous le dépeignent comme un gentilhomme de l'extérieur le plus séduisant, robuste et bien fait, « le plus beau fils qui ait jamais porté habits ››. Il était, de plus, hardi, brave, entreprenant et fort intelligent, tout-à-fait exempt de scrupules et de préjugés. Intrépide et doué d'une imagination très vive, qui lui inspirait à propos d'ingénieuses ruses de guerre ; Guy Eder avait, au plus haut degré, les aptitudes nécessaires, ou utiles, à sa nouvelle carrière de partisan Ligueur, ou de capitaine-pillard.» (J. Baudry)


1589

A l'âge de 15 ans  il décide de rejoindre les catholiques du duc de Mayenne à Orléans. Il s'enfuit après avoir vendu ses livres et quelques effets afin de s'armer d'un couteau et d'une épée... L'escapade est de courte durée, après qu'il fut dévalisé par des larrons. 

Philippe Emmanuel De Mercoeur, Duc de Lorraine



Après en bref retour au collège Boncourt, il s'enrôla sous la bannière du Duc Philippe Emmanuel de Mercoeur, beau-frère du Roi Henri III et Gouverneur de Bretagne pour combattre les Protestants. 

Revenu dans son pays Breton, il écume la Haute Bretagne et la Cornouaille à partir des châteaux de Callac et de Corlay. La Fontenelle est entré dans la "légende" par ses cruautés. Disposant d'une troupe de 400 cavaliers, et jusqu'à parfois 2.500 spadassins, il se livre à des meurtres, des massacres et des pillages.

« Outre quelques gentilshommes bretons, sa troupe se composa toujours d'un ramassis d'aventuriers, gens de sac et de corde, venus de tous pays, et prêts à toutes les besognes, à la seule condition de partager le butin. Telles étaient, d'ailleurs, la plupart des milices de ce temps-là, bandes de routiers marchant sans discipline, sous les ordres de leurs capitaines qui faisaient la guerre pour leur propre compte. Ces chefs indépendants ne se ralliaient à l'état-major de leur parti que dans les circonstances importantes, quand il s’agissait, par exemple, d’assiéger ou de délivrer une place, de livrer une grande bataille, ou encore pour obtenir une commission régulière, en vue d'une expédition avantageuse, interdite à leur initiative privée.» (J. Baudry)

Il participe au pillage de Saint-Pierre-Quiberon (1589), puis son lieutenant Jean de La Noë pille le Manoir de Coatnevenoy, en Tréguier (1590) et pille le manoir de Kersaliou en St Pol-de-Léon où il s'installe...


1591

La Fontenelle prend le chateau de Langarzeau en Pludual et en fait sa base arrière. 


1592

La Fontenelle et son capitaine Kérouzy, participent au sac de Tréguier (en Breton Lantreger), sous le commandement de Mercoeur. 


St Pol-de-Léon - Manoir de Kersaliou © Café Kreis Ker


« Il continue ses méfaits. La question de défense religieuse ou politique ne fut jamais le mobile qui guida ses actions et ses démarches. La Fontenelle n'en faisait aucun cas, et nous le verrons piller; rançonner et tuer, indifféremment, amis ou ennemis, catholiques ou huguenots, ne songeant qu'à satisfaire ses instincts batailleurs et sa soif de richesses et de plaisirs. »(J. Baudry)

N'ayant plus rien à piller en Trégor, Guillon (Guy-Éder) descend vers la Cornouaille. 
Chateauneuf-du-Faou est mis à sac. La Fontenelle et ses hommes campent dans la forêt du Laz d'où ils écument la région. 

La Fontenelle se rend à l'assemblée des États de la Ligue de Vannes, car il a eu vent des plaintes que les députés Châteauneuviens vont déposer contre lui. Il les ménace et fait pression sur les députés. Mercoeur en est averti et fait emprisonner La Fontenelle. 

Or, on apprend alors que la place de Craon tenue par les Catholiques, est assiègée par le Prince de Dombes, Gouverneur de Bretagne (pour le Roi) assisté de 5.000 Anglais. Mercoeur aidé des Espagnols, rameute ses troupes pour défendre les insurgés. Il a besoin des troupes de la Fontenelle et le libère...

Mercoeur vainc les Royalistes et les Anglais. La Fontenelle, brave et intrépide, s'y distingue et en tire gloire. Il acquiert la considération du Duc de Mercoeur.

Il retourne "aux affaires" en Cornouaille.

Encouragé par son récent succès, il tente la prise de Guingamp. Le gouverneur de Guingamp pour le Roi, Claude de Kerguezay, seigneur de Kergommar, l'en empêche.


Il s'empare du chateau de Coëtfrec en Ploubazré.


Chateau de Coëtfrec en Ploubazré © Waron

1593

Sur ordre de Mercoeur, La fontenelle tente de s'emparer de chateau de Guerrand en Plouégat. Il échoue et est capturé. Emprisonné au chateau de Tonquédec, il est libéré sous rançon et doit rendre le chateau de Coëtmen.

Sourdéac, gouverneur de Brest et Kergoummar, gouverneur de Guingamp, se lient contre La Fontenelle qu'ils chassent de sa fortresse de Coëtfrec.

"Guillon" retourne en Cornouaille...

Guy-Éder s'installe en l'Église St Trémeur de Carhaix qu'il transforme en forteresse. La ville avait déjà été pillée et brûlée trois ans auparavant par Du Liscouët, capitaine du Roi. Guy-Éder et Du Liscouët ravagent le pays, chacun au nom de son parti...

Il s'empare par ruse du chateau du Grannec en Plonevez-du-Faou appartenant au sire de Pratmaria, pourtant ligueur comme lui. La Fontenelle massacre 800 paysans venus spontanément l'assiéger. 


Bientôt, la lutte contre les Huguenots, assez peu présents en BRETAGNE, ne fut plus qu'un prétexte et La Fontenelle devint un vulgaire chef de brigands redouté par sa roublardise et sa cruauté ; il avait pour surnom " Ar Bleis " (Lit. le loup), surnom qui semait la terreur dans toute la population Bretonne. Ainsi, il écume la région, Le Faou, Chateaulin, Locronan, Landerneau, les alentours de Quimper, Quintin, Morlaix , Vannes, etc... 

Il prend l'abbaye de Langonnet.


Carhaix - Église St Trémeur © ND Phot 

1594

Guy-Éder saccage Pont-Croix où il massacre 3.000 personnes.
Puis c'est de nouveau le tour de Locronan.
Avec le Duc de Mercoeur, La Fontenelle participe à l'opération de sauvetage de la ville de Morlaix assiégée par les troupes de Jean VI d'Aumont, Maréchal du Roi : Mercoeur finit par abandonner les Morlaisiens qui capitulent.

Apprenant les grands méfaits de La Fontenelle, le Duc de Mercoeur fait brûler son repère du Grannec.

Le pauvre n'ayant plus de logis, La Fontenelle prend le chateau de Corlay où il continue à mener une vie dissolue, y faisant ripaille auprès de ses compagnons et de ribaudes à la cuisse légère. Lors d'une fête, le plancher de la salle de bal de son chateau s'effondre. Guy-Éder est sauf, maisune de ses jambes est cassée ; il en restera boiteux jusqu'à sa mort.


Chateau de Corlay © Lesage


1595

Corlay est assiégé par le Maréchal d'Aumont. La Fontenelle ruse et temporise, comptant sur la venue de Don Juan D'Aquila commandant les troupes Espagnoles. L'inertie et la lenteur de l'Espagnols font que la Fontenelle finit par capituler au bout d'un mois de siège.

Chassé de Corlay, La Fontenelle prend le chateau de Créménec en Priziac. 

Il pille le tout proche chateau de Kerservant en Logoëlan.


Priziac- Chateau de Dréors-Kerservant ©


Puis il part de nouveau pour Douarnenez en passant par Locronan.

De bon matin, il traverse Douarnenez pour s'emparer de l'Ile Tristan à marée basse. Le gouverneur Jacques de Guengat, tenant du Roi et moult nobles et riches marchands sont capturés et enfermés avec le butin dans les geôles de Créménec. Ils seront libérés contre forte rançon.

Kermoguer, gouverneur de Quimper laisse faire "le folâtre Guillon" quand il retourne à l'Île Tristan qui devient alors sa base, sa forteresse. Il effectue le sac de Douarnenez et fait démolir les maisons du Bourg pour utiliser les pierres afin de fortifier son île.

Le Duc de Mercoeur commence à prendre ombrage des initiatives de son capitaine-vassal. Il ne parvient pas à déloger La Fontenelle de son île-forteresse.


Douarnenez. L'ile Tristan vue de Kermabo © Andrieu 

Douarnenez. L'ile Tristan © Levy


Ses troupes nombreuses écument les alentours, à la recherche de nourriture et de richesses dans un rayon de 30 à 40 lieues : La population alentour se rebelle. Assiégé par des milliers d'habitants révoltés menés par le sieur du Granec, revanchard, la troupe de la Fontenelles forte de 700 à 800 soldats aguerris massacre 1.500 paysans dans une seule journée.  

La Fontenelle sera le bourreau de Penmarc'h. Il portera au Cap Caval un coup dont il ne saura se remettre. Il met à sac la ville, massacre ou brûle plus de 3.000 habitants dans l'Eglise du Bourg. Personne ne sera épargné. Il "emprunte" alors quelques 300 bateaux pour ramener son formidable butin sur l'Île Tristan de Douarnenez.

Le Chanoine Moreau dans son ouvrage "Histoire de ce qui s'est passé en Bretagne pendant les guerres de la Ligue" (1836) raconte :

« Les habitants de Penmarc'h, alors en grand nombre et qui se glorifiaient en leurs forces, car ils pouvaient fournir deux mille cinq cents arquebusiers, voulant faire une république à part, pensant seulement à leur particulière conservation, sans se soucier de leurs voisins, et pour se prévaloir et défendre contre La Fontenelle, comme à la vérité il leur était tout naturel, ils font deux forts audit Penmarc'h : l'un en l'église de Tréoultré l'autre à Kerity, en une maison séparée, qu'ils environnent de retranchements et de palissades, et dedans les deux forts retirèrent leurs personnes et leurs fortunes, se croyant bien en sûreté de tous les efforts de La Fontenelle, comme à la vérité ils étaient s'ils se fussent armés de courage, d'expérience, lesquels tous deux leur manquèrent au besoin, comme nous dirons ci-après combien qu'ils aient la réputation d'être bons soldats en mer, si ne firent-ils aucun devoir à terre.

La Fontenelle ayant su qu'ils se fortifiaient ainsi, se feignant leur grand ami, vint certain jour en petite compagnie de quinze à vingt les voir, et se rendit tant leur familier et en apparence bienveillant, qu'il se mit à boire avec eux et puis à jouer aux quilles pour leur ôter tout soupçon, néanmoins remarquait et faisait remarquer par ses gens l'état de leurs forts, la contenance et le nombre qu'ils pouvaient être de défense. Quelque-uns des plus modérés, se doutant assez qu"il n'était pas venu là pour leur bien, mais pour épier les moyens de leur ruine, comme il était vrai, commencèrent à faire un secret par entre eux qu'il fallait y obvier de belle heure et sans grand hasard, que puis après ne l'avoir fait et s'en repentir, et en vinrent jusques-là qu'il fut sur-le-champ conclu de le tuer et tous les siens en ce jeu de quilles. Mais comme on s'acheminait à l'exécution, parmi grand nombre fort résolus s'en trouva un qui était parmi-eux qui saigna du nez et empêcha une défaite qui eût sauvé deux cents mille écus de dommage en Cornouaille et la vie à trente mille âmes, dont La Fontenelle est coupable devant Dieu.
Retourné qu'il fut à Douarnenez, il n'y fut que quelques mois qu'il ne retournât voir ses bons amis de Penmarc'h, autrement accompagné que le premier voyage, aussi n'y vint-il pas pour jouer aux quilles. Les habitants, sachant sa venue, se retirèrent dans leurs forts. La Fontenelle y étant demande à parler, et y étant reçu, leur fait remontrer qu'il n'était point venu pour leur faire aucun mal, mais pour voir la côte, et que ses compagnies qu'il avait étaient pour se garantir de la populace, qui s'était tant de fois soulevée contre lui ; qu'il était leur ami et protecteur, et autres semblables discours flatteurs. Ceci se faisait au fort de Tréoultré, qui était beaucoup plus grand que l'autre, car toute l'église et cimetière étaient retranchés. Et pendant que le capitaine du sieur de La Fontenelle haranguait aux Penmarc'hins, tous ceux du fort se mirent sur la tranchée pour entendre le jargon de ce harangueur, tous d'un même côté, et l'autre demeurant dégarni de gens. Les ennemis montent promptement, sans être aperçus ne fussent parmi les écouteurs de harangue, desquels ils en tuèrent tant qu'il leur plut, et le reste fut retenu prisonniers. Ayant donc à si bon marché et sans résistance gagné le premier fort, qui pouvait tenir contre toute la puissance de La Fontenelle, s'il y eût eu avec ces badauds six ou sept hommes de guerre, ils s'en vont de ce pas à celui de Kérity qui se rendit tout aussitôt à vies sauves.

Le butin de l'ennemi fut grand, car tous les plus riches du dit lieu, dont il y avait grand nombre, se confiant en leur courage et leurs ouvrages, nombre de gens de marine étaient en ces forts et n'avaient daigné se retirer ailleurs, comme plusieurs autres avaient fait, entre autres ceux d'Audierne et de tout le Cap-Sizun , qui s'étaient réfugiés à Brest ; si bien qu'ils perdirent tout ce qu'ils avaient, et surtout grande quantité de navires, bateaux et barques plus de trois cents de tous volumes, dans lesquels La Fontenelle ayant fait charger le butin, les fit rendre à son fort de Douarnenez.

Je n'ai pas su le nombre des morts de Penmarc'h, tant il y a que la plupart de la tuerie fut dans l'église, qui faisait comme le donjon de leurs forts ; et il semble que ce fut par un juste jugement de Dieu pour les irrévérences que lesdits habitants y commettaient, car ils avaient leurs lits tout à l'entour de la nef, et jusques assez près du grand autel, si près les uns des autres qu'ils s'entre-touchaient. Et il faut le remarquer, qu'au même endroit où ils avaient fait l'offense ils furent massacrés, comme si leur sang propre devait laver et nettoyer la profanation et l'impiété par eux commises, car ils furent la plupart égorgés sur leurs lits pour expiation de leurs offenses. Dieu veuille que cela leur serve pour leur salut !»

Dans ses Mémoires, Rieux de Sourdéac, ajoute :

« La  Fontenelle, s'étant emparé de Penmardh, avait déshonoré et fait déshonorer toutes les femmes et les filles, depuis l'àge de dix-sept ans, qu'il avait fait  mourir, dans les tourments, plus de cinq mille paysans, qu'il avait mis le feu à plus de deux mille maisons, pillé et emporté tous les meubles, de quelque  espèce qu'ils fussent...»


Penmarc'h - Église St Nonna © Villard

Kérity en Penmarc'h- Kerbezec © Levy

Kérity en Penmarc'h- Kerouzy © Dantan


J. Baudry raconre, dans "La Fontenelle le ligueur et le brigandage en Basse-Bretagne pendant la Ligue" :

« La Fontenelle fit, à Penmarc'h, un immense butin :  il s'empara de toutes Les richesses amoncelées dans les deux forts, et composa une flotte d'excellents navires, barques et bateauxes de tous genres qu'il saisit dans le port ; trois cents de ces bateaux, remplis de butin, furent dirigés sur l'île Tristan et constituèrent les forces maritimes avec lesquelles, désormais, le potentat de l'île Tristan allait exercer, sur mer comme sur terre, son art de brigand et de franc-pillard.  Il établit une forte garnison à Kérity, dont les gardiens furent choisis avec soin parmi l'élite de ses  gens de guerre. Nous verrons qu'ils étaient digne de la confiance de leur chef et qu'ils surent défendre, au prix même de leur vie, le poste qui leur avait été confié. Les prisonniers emmenés à Douarnenez furent, par ordre de La Fontenelle, traités avec la dernière barbarie.»


Plus loin, il ajoute :

« Depuis le pillage de Penmarc'h, il possédait une petite flotte de bâtiments bien armés sur lesquels, à sa solde, de hardis capitaines écumaient l'océan pour le compte de leur terrible chef, amenant à l'ile Tristan leurs prises, tant marins prisonniers que riches marchandises.»


L'Île Tristan a un maître. Il lui manque une maîtresse : En visite chez M. de Coadelan, Guy Eder enlève sa toute jeune fille. Marie Le Chevoir de Coadelan, fille de Lancelot Le Chevoir et de Renée de Coëtlogon est alors à peine âgée de neuf ans. C'est une des plus riches héritières du penn-herez (fr. grands héritages) de Bretagne. Elle devient son épouse. Amoureuse de Guy Eder, elle ne sortira que très peu de son île prison… Et lui, Guillon, tombat-il amoureux de Marie ou bien de ses 10.000 livres de rentes annuelles ? Toujours est-il que Guy-Éder cacha toujours à sa délicate épouse, l'étendue de sa cruauté envers ses contemporains...

La Fontenelle prend le Chateau de Mézarnou en Plonéventer.


Plonéventer - Chateau de Mézarnou © ND Phot


Puis c'est de nouveau le sac de Pont-Croix. Les habitants réfugiés dans l'église sous l'impulsion du capitaine de La Villerouault se défendent héroïquement. La Fontenelle, vainqueur par traitrise, massacre les habitants dans le deshonneur tandis que Dame de Kerbullic, épouse de La Villerouault est violée en public par ses soudards sous les yeux de son mari qui fut ensuite pendu.

En octobre, La Fontenelle intrigue pour prendre Quimper. Il est fait prisonnier par traitrise (chacun son tour) par le capitaine Du Clou sous mandat du Seigneur François d'Espinay de Saint Luc et est emprisonné à Quimper. 
Pendant son emprisonnement, la forteresse de l'Île Tristan est assiégée par Saint Luc, lieutenant général du roi Henri IV. Mercoeur empêche l'espagnol Don Juan D'Aquilla de porter secours aux insurgés de l'île Guyon (c'est son nouveau nom). Face à la résistance farouche et déterminée de Jacques de Lestel, sieur de La Boulle, lieutenant de la Fontenelle, Saint Luc abandonne son siège au bout de seulement six semaines. Mercoeur tente de soudoyer La Boulle, en vain.


François d'Espinay de Saint Luc

1596

Transféré à Rennes puis La Guerche, La Fontenelle est remis en liberté en 1596 après 6 mois de détention, par Saint Luc contre rançon de 14.000 écus. La Fontenelle rentre sur son île près de sa chère Marie et de son Fidèle lieutenant.

C'est fort probablement l'année du mariage de Marie le Chevoir de Coadelan avec Guy-Éder de la Haye de Beaumanoir. Il échappe ainsi à la peine de mort encourue pour rapt de jeune fille mineure en se mariant sous acte de justice avec consentement des parents (!), face à l'église...

Il prend Lannion, puis le chateau de Primel, aidé des Espagnols de Don Juan d'Aquilla.

Les Espagnols lui prennent le chateau de Primel.


Lannion - Chateau de Coat Frec © Villard 

Lannion - Chateau de Tonquedec © Waron

Primel - Chateau du Taureau ©

1597

La Fontenelle, par l'entremise de son lieutenent De La Haye, tente de reprendre Primel aux Espagnols. Il échoue dans sa tentative.

La Fontenelle tente de prendre Brest (ou Ouessant) avec 7 navires de guerre. Sourdéac l'apprend met en déroute, avec 5 navires de son escadre de guerre, la flotte de La Fontenelle commandée par le capitaine Orange, chef de la marine de l'ïle Guyon, qui doit renoncer à son projet.

L'ïle Guyon est assiégée par Du Pré, gouverneur de Quimper, sur ordre du Roi. Du Pré est tué en tout début de confrontation. Privés de leur chef, les soldats rentrent à Quimper.

La Fontenelle rêve de prendre Quimper. Trahi par un de ses lieutenants, il tombe dans une embuscade dirigée par Kermoguer et doit renoncer momentanément à la prise de Quimper. Il revient quelques jours plus tard, accompagné d'une armée composée de tous ses partisans d'alentours. Des bateaux de sa flotte remontent l'Odet jusqu'à Quimper. Une petite troupe menée par Kerolain, gouverneur de Concarneau, sonnent la charge comme pour un baroud d'honneur. L'armée assaillante dans la méprise, croyant rencontrer une avant garde de la cavalerie Quimpéroise, bat en retraite.

Le 15 mai, Penmarc'h est repris par René de Rieux dit Sourdéac, gouverneur de Brest.

«Sourdéac résolut de lui enlever Penmarc'h, où il avait établi une garnison choisie parmi les plus vaillants de ses compagnons. Ceux-ci, écumant les mers d'alentour, arrêtaient les bateaux marchands et paralysaient le commerce de la côte. Penmarc'h, en la possession de La Fontenelle, était devenu un vrai nid de pirates, à sa solde et à ses ordres, ayant pour citadelle le château de Kerouzy.  Sourdéac pensait avec raison, que leur présence, dans ces parages, nuirait au blocus qu'il projetait de faire de Douarnenez, par terre et par mer. Le gouverneur de Brest quitta donc sa garnison avec une bonne troupe et six pièces d'artillerie et vint joindre à Quimper le contingent fourni par cette ville. D'après les Comptes des Miseurs, ils repartirent  le 11 mai, pour se diriger sur Penmarc'h. Sourdéac investit en plain jour le fort de Kerouzy et somma les gens de Fontenelle de se rendre. Ils s'y refusèrent énergiquement, durant tout le jour, la place étant bonne et approvisionnée. Sourdéac, réslu, fit mettre en batterie ses six pièces d'artillerie, qui, dès le point du jour, tirèrent sur le bastion qui couvrait le pignon de la maison. Les assiégés abandonnèrent ce bastion, mais bientôt Sourdéac fit battre le pignon lui-même, et, par une brèche ouverte au moyen du canon, il fit donner l'assaut. Le régiment  du sieur De La Tremblaye et celui du capitaine Magnan, composés de Français, se jetèrent sur la place avec furie, et, en dépit de sa résistance, elle dut céder à leurs efforts. La plupart des soldats de la garnison furent passés au fil de l'épée. Des soixante à  quatre-vingts pirates qui vivaient encore, Sourdéac,  pour l'exemple, fit pendre la moitié et rendit la liberté aux autres « en leur faisant promettre d'être  gens de bien et de servir fidèlement le Roi». (J. Baudry)


Sourdéac fait le blocus l'Île Tristan. La Fontenelle, prévoyant, avait bien approvisionné sa forteresse. Il s'échappe du blocus de son île assiégée par nuit noire et se rend à Nantes pour vendre le fruit de ses rapines et acheter l'aide des espagnols. Affires faites, il rentre  secrètement dans son fief. Le Duc de Mercoeur et ses alliés Espagnols se mettent en route pour porter main forte aux assiégés. Face au danger imminent, Sourdéac abandonne au bout de trois mois de siège et part vers Quimperlé pour se mesurer aux Ligueurs de Mercoeur en chemin pour l'Île Guyon. La bataille à lieu au Chateau de la rabine de Quimerc'h en Bannalec. Après 8 heures de tuerie féroce, la dernière bataille de la Ligue se solde par un combat sans vainqueur.


Le Chateau de Quimerc'h dessiné par le Chevalier de Fréminville

 

La Fontenelle pille les manoirs de Névet en Locronan et Lezoualc'h en Goulien.

1598

Le traité de paix conclu entre le Duc de Mercœur et le roi Henri IV apporte à La Fontenelle et ses hommes le pardon pour leurs crimes. 

Guy-Éder obtient en même temps, un brevet de capitaine d'armes assorti du collier de St Michel. Il obtient aussi le poste de Gouverneur de Douarnenez ! Les dettes de la Fontenelle sont annulées, on lui donne de l'argent, ses plaignants sont muselés... 

Pourquoi tant de mansuétude ? Parce que Henri IV ménage La Fontenelle qu'il voit comme le rempart le plus efficace contre les vues des Espagnols sur Douarnenez et l'Île Tristan.

La Fontenelle quitte l'Île Tristan et retourne dans son château du Leslay à Quintin-Le-Vieux. 

Henri IV

1600

Beaucoup avaient gardé rancœur et haine envers lui. Ainsi, en cette année, il est accusé d'avoir participé à la conspiration du duc de Biron au profit des Espagnols et d'avoir voulu leur vendre l'Île Tristan. Capturé à Bréhat, il est emprisonné à Paris.


1601

Il est de nouveau gracié par le Bon Roi Henri IV, qui semble vraiment bien mériter son nom. 

Ruiné, il continue à conspirer avec l'Espagne. Comme si cela ne suffisait pas, la famille de La Villerouault porta plainte pour le crime de Pont-Croix. Toutes les "vieilles histoires" sont ressorties a l'occasion du procès : Exactions, forfanteries, crimes en tous genres, massacres, mises à sac…
 

1602

Il est de nouveau arrêté le 10 septembre. 

Le Parlement de Paris le condamna pour haute trahison au supplice de la roue. Rien ni personne ne put et ne voulut le sauver.

Il fut exécuté et rompu vif à Paris en place de Grève le 27 septembre 1602. Il avait 28 ans. 


Sa femme, Marie Coadelan de Beaumanoir n'avait jamais connu l'étendue des forfaits de son "vertueux époux" qui avait toujours su dissimuler ses forfanteries à sa jeune épouse. Elle mourut de chagrin en 1603. Elle avait 18 ans.

Lectures pour aller plus loin :


La Fontenelle ou le Dernier Ligueur par Alfred de Kerillis (1844) © Source gallica.bnf.fr / BnF


PDF du Tome 1
(Penmarc'h)


La Fontenelle le ligueur et le brigandage en Basse-Bretagne pendant la Ligue par J. Baudry (1920) © Source gallica.bnf.fr / BnF

PDF



Histoire Généalogique de la Maison Eder par J. Baudry (1911) © Source gallica.bnf.fr / BnF

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Le Brigand de Cornouaille par Louis Moreau (1860) © Source gallica.bnf.fr / BnF


PDF du Tome 1                       PDF du Tome 2