PENMARC'H PENDANT L'OCCUPATION 1940/1944 (Suite et fin)

MORAL ET ETAT D'ESPRIT

La guerre, bien que présente à l'esprit des Penmarchais leur semblait bien loin…

L'appel au ralliement du 18 juin par le Général Charles De Gaule n'était pas encore parvenu dans les campagnes et les ports Bigoudens.

Pas encore assez de TSF, sans doute...


Appel De Gaule



Si bien que le 20 juin, l'entrée des Allemands dans St Guénolé fut comparable à une douche froide en plein été. La "Blitzkrieg" (Guerre éclair) prit alors toute sa dimension pour la population. L'abattement fit bientôt place à la stupeur.

La confiance en le Maréchal Philippe Pétain, le Vainqueur de Verdun et son gouvernement, ne passa pas l'été.

L'allocution radiodiffusée du Chef de l'Etat du 30 Octobre 1940 n'y changea rien...


Allocution Petain

Les sauts d'humeur Bigoudène, que l'on sait chatouilleuse, ont été pris au sérieux par l'Occupant et furent sanctionnés par des amendes infligées aux communes ou pire, par des prises d'otages de notables en cas d'exactions physiques ou matérielles à l'encontre des intérêts Allemands : Sabotages, agressions, arrachages d'affiches et de pancartes, graffitis injurieux, observation des Fêtes Nationales, etc…

Pour arranger le tout, les bals et Fest Noz sont interdits dès 1940. Les bals (de jour) sont rétablis en Juillet 1941 puis interdits de nouveau le 18 Janvier 1943.

Le problème de pénurie de vivres, de matériel et du rationnement imposé à l'automne 1940 ajouté aux difficultés d'exercer leurs métiers n'arrangea pas le moral des habitants du Pays Bigouden. (Sujet traité plus bas)
La pénurie était provoquée par :

  • Les réquisitions Allemandes.
  • La désorganisation des transports et le blocus allié.
  • Le manque de main d'œuvre et de sources d'énergie.

Début 1941, François Péron, un Gas de St Gué, fut fusillé à Kériolet en Concarneau.

Ce crime infâme érigé en exemple par l'Occupant a été vécu comme une injustice révoltante par la population indignée.


L'Histoire de François Peron


Le souvenir toujours vivace de cette exécution inflexible , l'invasion de la Zone Libre le 11 Novembre 1942 par les Allemands et le sabordage de la Flotte dans la rade de Toulon le 27 Novembre par les Français sur ordre de Vichy, allaient en quelque sorte galvaniser la Population dans sa volonté de résistance plus ou moins active à l'Occupant.


Des graffitis à la gloire de De Gaule, de la résistance avec sa croix de Lorraine et le Vde la Victoire redoublèrent : Tout support était propice à manifester son mécontentement et sa haine de l'envahisseur : Murs, carosseries de voitures et camions, sable des plages, endroits et objets les plus improbables. Les journaux résistants et les tracts politiques et surtout pamphlétaires fleurirent un peu partout, "comme par magie" : "Avant, nous gardions les vaches. Maintenant ce sont les vaches qui nous gardent" pouvait-on lire parfois … Sans parler des poèmes et chansons diffusés sous le manteau, ronéotypés à la gloire des Français Résistants ou au rejet de l'Allemand honni.


L'écoute de la radio, bien que formellement interdite, était suivie religieusement. Les actions de résistance passive téléguidées par Radio Londres et le Gouvernement de la France Libre furent bien suivies en Pays Bigouden et agacèrent l'Occupant et leur servante, la Police Française de Vichy…

Le 15 Août 1940, le pardon de la Joie fut l'occasion, comme à chaque manifestation religieuse suivante, de tenir tête à l'Allemand par des chants bien choisis, des transmissions d'informations et de tracts, etc…
Les commémorations des Fêtes Nationales, tolérées au début, étaient prétexte à des fleurissements bleu-blanc-rouge de tombes de soldats Français ou alliés.

Ces manifestations drainaient quantité de pratiquants qui reprenaient courage dans une conscience collective qui regonflait leur moral et les aidait à surmonter l'arbitraire.


Un timbre de 42 pfennigs + un billet de 20F : Une blague peu appréciée des Allemands !


PARITE FRANCS / REICHSMARKS

La loi du plus fort est toujours la "meilleure". Ainsi, à l'automne 1940, le Commandement des Forces d'Occupation imposa au Gouvernement Français une parité de 20 Francs pour 1 Reichsmark.

On pouvait trouver sur le marché, trois sortes de billets :

  • Des Reichsmarks (1) édités spécialement par les forces d'occupation pour les transactions effectuées dans le territoire occupé.
  • Des Reichsmarks (2) édités spécialement par la Whermacht pour les transactions effectuées dans le territoire occupé par ses soldats.
  • Des Francs (3) édités par le trésor de la République Française pour les transactions effectuées par les Français.

1 ReichsMark (1)
"Territoire Occupé"



OU

1 ReichsMark (2)
"Wehrmacht"



=

20 Francs (3)
Français



Une telle parité incita les soldats permissionnaires en partance pour l'Allemagne, à "dévaliser" les magasins de toutes marchandises à valeur certaine.

On ne trouvait pas trouver de billets "civils" Allemands en France : Les seuls "touristes" qu'on pouvait voir étaient casqués et bottés...

Les seuls "vrais" touristes Allemands qu'on ait vu à Penmarc'h étaient passés à Penmarch en automne 1938. Cette photo (Mention Penmarc'h 1938 au verso) a été découverte parmi des photos Allemandes de l'arsenal de Brest.
Espionnage de la Royale avant invasion ? Repérages avant érection du mur de l'Atlantique en Bretagne Sud ?



LE RATIONNEMENT


A peine les moteurs des Panzers arrêtés, le Service de Ravitaillement Général imposa aux Français de se plier au ldommages de guerre qui consistaient, entre autres, à fournir toute denrée nécessaire au Reich et son armée.

Des quotas alimentaires furent imposés : Lait, beurre, oeufs, chevaux, bovins, porcs et volailles, blé, avoine, pommes de terres, fromage, poisson, vin, tabac, café, etc...


Quota, Rationnements et Réquisitions


Ces denrées étaient payées en Francs Français.
Des Francs livrés par le Gouvernement Français au Trésor Allemand, au titre de l'article 18 de la Convention d'Armistice qui imposait à la France une redevance journalière de 400 millions de Francs !

Le pillage organisé et planifié des ressources d'une économie déjà exsangue, les restrictions de tous ordres imposées à l'industrie et aux personnes, la limitation des droits de circulation, etc... firent que quelques mois après l'arrivée des Allemands, la nourriture et les objets de première nécessité vinrent à manquer.

On comprend bien pourquoi toutes ces pénuries (mis à par peut-être celle du fromage ?) rendaient le Bigouden mécontent et frondeur, comme le confiait une lettre du Directeur du Ravitaillement du Finistère aux autorités Françaises :
Le caractère Breton, en effet, est une réalité avec laquelle il faut compter et, d'autre part, l'individualisme des uns, l'esprit primitif des autres, ne se prêtent pas à la contrainte."

C'est pourquoi, dans le Finistère, les quotas étaient souvent peu respectés, tous les prétextes étant bons pour ne pas s'exécuter. Si bien que l'Occupant avait souvent recours aux réquisitions pour atteindre ses objectifs.

Une fois ces quotas honorés, il restait donc bien peu pour le peuple de France.

Tous les restes de ces denrées "alimentaires" furent donc rationnés afin de "rationaliser la pénurie". L'obtention de ces denrées fut soumise au ticket de rationnement dès le 1er Novembre 1940.

Les cartes de tickets de rationnement étaient nominatives et valables pour une période définie. Il existait des tickets pour chaque type de denrée, comme cette carte de tickets "PAIN A(dulte)".

Pour faire simple, le poids de nourriture accordé à chacun était fonction de l'âge, du sexe et du type de travail fourni.


Catégories de Rationnés


Les tickets ouvraient droit à l'achat mais ne dispensaient pas de payer ! La nourriture n'était pas toujours disponible et les prix imposés furent touchés par l'inflation.

Pour l'exemple, entre Octobre 1940 et Janvier 1941, les prix doublèrent, les oeufs passant de 9 à 18 F la douzaine et les poulets de 50 à une centaine de francs.


Billet de Chemin de Fer Brest-Kérity d'un soldat de la Kiegsmarine.


Les Soldats de la Werhmacht avaient eux aussi droit aux tickets de rationnement... Sauf que les quantités n'étaient pas les mêmes ! Un soldat bien nourri est moins ronchon, il obéit mieux et supporte moins mal l'éloignement de sa famille et de sa patrie...


Vu les faibles quantités de nourriture allouées aux habitants on peut comprendre l'état de délabrement qui aurait été le leur sans le système D (© Français) et son triste compagnon, le Marché Noir.

Le système "D" (D comme Démerde) consistait souvent en combines et ersatz qui permettaient aux gens de vivre une vie un peu moins amère : J'utilise du tuyau d'arrosage à la place de mon pneu de bicyclette, j'échange mon miel contre du beurre, je mélange de la chicorée à mon café, tout ça c'est du système "D".

Le Marché Noir, comme son nom l'indique, se pratiquait de nuit, dans les caves et les cours sombres, à l'abri des regards, car interdit et sévèrement puni par le Gouvernement Français et l'autorité Allemande : L'un y voyait la cause de ses quotas non honorés, l'autre un manque à soustraire. Ce Marché Noir renforçait la pénurie dans les commerces. Des propriétaires se disant victimes du Marché Noir alors qu'ils en étaient souvent les organisateurs. On pouvait trouver de tout dans ce Marché parallèle. Certains qui avaient des scrupules ou peut-être des principes, vendaient au tarif rationnement. D'autres profitaient du malheur des gens et de la nation et faisaient grimper les prix pour s'enrichir de façon éhontée, une honte qui effectivement ne les étouffait pas... Pas bien honorable, tout ça.

La finalité de ce Système "D" et de ce Marché Noir fut pour les Français de pouvoir se procurer des denrées au delà des tickets de rationnement, respectivement par le troc ou l'achat.



LES MARINS

Dès les premiers jours, d'intrépides marins ont embarqué pour rejoindre les Forces Françaises Libres dl'Angleterre et commencer (ou continuer) le combat. C'est ainsi que Baptiste Dupuis, marin pêcheur de Saint Pierre en Penmarc'h, quitta Kérity avec quelques compagnons quatre jour après l'entrée des Allemands dans Penmarc'h.


Histoire de Baptiste Dupuis


Les espions Allemands ont eu très tôt l'idée de se mêler à ces flux de départs vers d'Angleterre. Certains se faisaient même passer pour des résistants désirant rejoindre la France Libre de De Gaulle ! Si bien que tout navire de pêche était considéré, par l'Amirauté Britannique, comme un passeur d'espions en puissance. Donc comme un ennemi potentiel.

Dès le début de l'occupation, les marins-pêcheurs ont donc été avertis par l'Amirauté Britannique des risques qu'ils encouraient si d'aventure ils tentaient de pêcher au large ou de traverser le Channel...


Ainsi, les navires de guerre de sa Gracieuse Majesté, bâtiments de surface ou sous-marins, n'hésitaient pas à envoyer par le fond tout navire suspect.

D'autre part, des mines avaient été mouillées en mer côté Anglais par la Kriegsmarine et côté Français par la Royal Navy.

Les rondes des vedettes de la GAST (Douanes Allemandes), des patrouilles de la Kriegsmarine et de la Navy rendaient risquées toutes traversées, dans un sens comme dans l'autre.



Enfin, comme si cela ne suffisait pas, à ces dangers marins s'ajoutaient les risques de mitraillages aériens, par la Luftwaffe et bien sûr l'aviation Alliée.

Prix entre deux feux, nos marins tentaient de survivre... physiquement comme financièrement.

Côté Allemand, toutes les sorties officielles en mer ont un temps été interdites, afin de tenter de juguler l'hémorragie de tous ces départs clandestins. Après intervention insistante du Préfet du Finistère, la pêche côtière à la journée fut de nouveau autorisée par l'occupant : Il fallait bien alimenter les Conserveurs Bretons afin qu'ils puisse fabriquer des conserves ! Des conserves qui ne manquait pas de finir dans les assiettes Allemandes...

Les chaloupes à voile retrouvèrent les faveurs du monde maritime. Les sloops à voile qui avaient été motorisés réarmèrent à la voile eux aussi, pendant que les modernes malamoks exclusivement motorisés, furent condamnés au désarmement.

Le rituel du départ en pêche était le même dans tous les ports Bretons :
Les bateaux devaient défiler au lever du jour devant le sous-officier de la GAST responsable du port.

Ausweis délivré à Alain Briec, matelot de Kérity

Celui-ci notait scrupuleusement le numéro d'immatriculation de chaque navire sur son livre de sortie. Dès que tous les navires désirant aller en pêche étaient enregistrés, ceux-ci partaient après un coup de sifflet libérateur. Il devait y avoir bousculade dans la grande passe !!!
Et le soir, le même sous-officier contrôlait la concordance sorties/entrées. Forcément.

Dès la fin 1940, la rogue pour la sardine, appât consistant en un mélange de farine(s) et d'oeufs de poissons, vint à manquer par faute des blocus. Ce "tarama pour sardine", met irrésistible destiné à attirer et retenir la sardine, était importé du Danemark et de Norvège. Il consistait en un mélange de farines et d'oeufs de harengs, morues et maquereaux, chacune ayant sa spécificité. La rogue, hors de prix, devint introuvable, même au marché noir. Le système D produisit un succédané de rogue à base de farines de poissons et crevettes séchées.

A la même époque, le matériel de pêche vint lui aussi à manquer. Cette situation empira chaque saison avec pour résultat une flambée des prix du matériel de pêche et du carburant. Ainsi en 1943, le prix du matériel (Câbles, filets, pièces moteurs, etc...) avait été multiplié par sept, pendant que le contingent en carburant alloué par l'administration avait été divisé par ... sept.

La période d'occupation fut malgré tout une période faste pour la pêche à la sardine notamment : La demande des conserveurs était plus forte que l'offre, du fait des besoins civils et militaires Allemands. Aucun poissons invendus, achetés à prix fixes garantis dès le début de la campagne de pêche : Du jamais vu !

Les taxes sur le poisson furent réduites, faisant baisser le prix de vente au détail de 20%. Las, ce qui aurait dû être bon pour le consommateur fut bon, en fait pour l'occupant qui préleva à encore meilleur compte son quota sur le poisson...
Il restait alors bien peu de ce poisson pour les habitants des villes.

Au bout du compte, nombre de bateaux "désarmèrent" (eux qui n'avaient pas d'armes) et leurs équipages tentèrent de trouver à travailler ailleurs.

Les marins de Saint Guénolé qui souvent avaient gardé des liens avec le monde paysan, s'en tirèrent moins mal que ceux de Kérity, pêcheurs d'origine...pêcheurs ! Un lopin de terre et quelques animaux aidaient à vivre les premiers, alors que les autres n'avaient pour survivre que la grève pour jardin.


LES PAYSANS

Les paysans vivaient mieux que leurs amis pêcheurs. Certains avaient d'ailleurs double casquette, paysans-pêcheurs ou pêcheurs-paysans suivant la saison.

Leurs champs, leurs jardins ou leurs animaux leur permettaient de vivre moins mal que les autres. Une fois vendu leur quota alimentaire au Service de Ravitaillement, il leur restait suffisamment pour se nourrir et faire du troc (voire du marché noir...). D'autant plus que la dissimulation de leur productivité était un jeu d'enfant pour ces paysans malins et "skrin" (avares).
Comment compter, les poules, les œufs, les lapins… Et le lait et donc le beurre ? Une partie du blé était détourné et malgré l'interdiction, leurs vieux fours à pain reprirent discrètement du service.

Mais le monde paysan restait soumis aux régimes des réquisitions officielles. Par exemple, les chevaux étaient réquisitionnés pour la boucherie ou la Wehrmacht. La productivité et l'entretien des champs s'en ressentaient...

Certaines réquisitions étaient moins officielles, et il n'était pas rare qu'un soldat Caucasien vienne faire son marché à la ferme et, non content de voler des œufs, vole la poule qui les a pondu… La rudesse de ces soldats à la grenade à manche ostensiblement exhibée forçait à la tempérance, surtout quand on était jeune et jolie Bigoudène.


LES CONSERVEURS

Les conserveurs rencontrèrent quelques difficultés à exercer leur lucratif métier pendant cette période trouble de notre histoire.
Les deux-tiers de la production de conserves est achetée par l'occupant pour la Werhmacht ou pour les épiceries Allemandes.

Fabriquer des conserves n'était pas chose facile : L'huile manquait, le fer blanc pour les boîtes aussi...

Alors les conserveurs rivalisèrent d'astuces pour combler ces pénuries : Le fer blanc fut remplacé par le fer noir. On inventa les sardines au citron, à la tomate, le maquereau à la moutarde... Les aromates furent remplacés par des condiments locaux tels la salicorne, la criste marine... Ce fut l'âge d'or du maquereau au vin blanc : Celui-là, on n'en manquait pas...


DEPART DES ALLEMANDS

Le 6 Juin 1944, les forces alliées débarquèrent en Normandie.

Ci contre, vous trouverez une photographie aérienne de la pointe de St Pierre, prise le 18 juin 1944 par un avion de reconnaissance de l'US Air Force.

C'est l'espionnage des installations des postes Qu 42 / La Joie et Qu 301 / St Pierre qui intéressaient alors la coalition des forces de Libération.

On peut remarquer sur la pointe, les rares habitations et la presque totalité des terres occupée par les champs cultivés.

Début Août, les soldats Allemands perquisitionnèrent et réquisitionnèrent... tout vélo en état de marche en prévision de leur départ !

© USAF (Doc. A. Le Berre)


Le 4 Août 1944 les Allemands quittèrent Penmarc'h pour la "Poche" de Lorient, non sans avoir fait sauter la Kommandantur du QU 301 de St Pierre : L'Hôtel du Phare d'Eckmühl fut complètement détruit.

Le Phare heureusement restera sauf...


Photo-montage